ÔTEZ VOTRE GENOU, NOUS AVONS LE DROIT DE RESPIRER

Le 25 mai 2020, le monde a été horrifié par la mort de George Floyd dans les conditions monstrueuses.

Il était allé acheter des cigarettes comme il devait le faire certainement tous les jours. Un employé du magasin le soupçonnant de falsification appelle la police.

La suite on la connait, Georges est interpellé de façon brutale, alors que sur les images qui circulent on ne le voit opposer aucune résistance, le policier conclut cette arrestation musclée, en appuyant son genou sur le cou de Floyd, déjà à terre et de surcroit menotté, pendant 10 longues minutes, ignorant les supplications de celui :

 «SVP,  je ne peux pas respirer »

Ces dernières paroles de Georges sont tout sauf anodines. Pouvoir, c’est avoir le droit, la permission de faire quelque chose.

Ce policier a décidé qu’il avait le droit de contrôler l’air respirer par Georges, et qu’il pouvait l’en priver.

La stupeur passée, on s’interroge sur le pourquoi et le comment ? les choses avaient pourtant évolué dans le bon sens ?

Au risque de vous/nous décevoir, l’égalité que nous prônons, n’est que de façade.

Cet acte raciste saisit par les caméras, étonne certains peut-être, mais pour les Noirs, il fait partie du quotidien. Être Noir reste un combat perpétuel

Le genou de Derek chauvin appuyé sur le cou de Georges Floyd est la parfaite allégorie de l’oppression subit par des êtres humains, qui ont pour malchance de ne pas avoir la bonne couleur.

Ces scènes même si elles ne sont pas filmées, existent et non, elles ne se passent pas qu’aux Etats unis.

Ce qui a permis à Derek Chauvin de ne pas considérer Georges Floyd comme un être humain au point de lui ôter la vie sans sourciller, les mains dans les poches, s’est construit sur des années de déshumanisation de l’homme Noir.

Un processus qui a relégué le Noir au rang d’inferieur par des théories scientifiques, qui se sont déclinés en racisme institutionnalisé, au point de dévaluer la valeur du Noir.

Non, ce genou n’a pas bougé d’un iota.

Ce genou nous le ressentons quand dans les manuels enseignés aux enfants, Un pan important de l’histoire des Noirs est occulté, et qu’ils ne font leur apparition que pour illustrer le « tiers monde », et le « sous-développement », quand au lieu de donner toutes les raisons des problèmes que connaissent le continent Noir, on fait table rase de l’esclavage, du passé colonial (sauf pour en saluer son bien-fondé), l’exploitation, pour ne parler que de l’aide que les européens donnent aux pauvres Africains, en oubliant de mentionner qu’ils sont redevables à l’Afrique, pour avoir pillé ses richesses et sa culture.

Quand on dissimule le rôle important joué par l’Afrique pour libérer l’Europe du nazisme.

Quand on dit de façon erronée que l’Homme Noir n’a rien apporté à l’humanité, si ce n’est désolations, guerres et barbarie.

De par ce procédé, on implante dans le subconscient de ces enfants, un complexe de supériorité, qui se déclinera de diverses façons à l’âge adulte.

 Ce genou est mis sur le futur des enfants qui n’ont pas la bonne couleur, quand ils sont catégorisés, prédestinés à des métiers pour les maintenir au bas de l’échelle, et ce, peu importe leurs capacités intellectuelles.

Ce genou est ressenti dans les entreprises, quand même s’il en a les capacités, ne le Noir ne peut pas aspirer à certains postes. Et qu’on ne parle pas des exceptions, car elles ne font que confirmer la règle.

Ce genou nous le ressentons par les clichés véhiculés, les caricatures blessantes, auxquelles nous devons faire face et quand nos supplications sont rejetées ou considérées non recevables.

Ce genou est déjà sur notre cou à la naissance, car à cause de notre couleur, nous commençons notre vie avec un dossier à charges que nous devons passer notre existence à alléger, à démonter.

Imaginez commencer une course, en voyant que les autres compétiteurs sont placés à quelques mètres de la ligne d’arrivée, et que non seulement, c’est eux qui en définissent les règles, mais qu’en plus votre course est obstruée par des obstacles, par des gens qui vous lancent des pierres, vous jettent des quolibets au visage, vous devinez aisément qu’atteindre la ligne d’arrivée est quasi impossible? Quand vous avez le malheur de vous plaindre de vos conditions, on vous dit que vous devriez être content de participer à la course étant donné qu’avant, c’était loin d’être le cas. C’est cela être Noir. C’est être pris dans l’engrenage d’un système qui crée des potentiels Derek Chauvin, qui au nom de leur supériorité s’octroient tous les droits sur la vie ou le sort d’autres êtres humains et que nous devons affronter tous les jours.

Réagir face à l’injustice est notre devoir à tous, ne choisissons pas de détourner le regard, ou d’être témoin passif.

 Ce n’est pas seulement aux Noirs de s’attaquer à cette injustice, mais tous ceux qui participent à cette course doivent lutter à leurs côtés pour y mettre un terme. Comme le disait Toni Morrison : « si vous n’êtes grands que parce que l’autre est à genoux, vous avez un sérieux problème. »

 Quant à nous, Noirs d’ici et d’ailleurs, éduquons-nous et nos enfants, dépassons nos différences, approprions-nous notre histoire afin de contribuer à notre niveau, à restaurer notre place dans l’humanité. Personne ne viendra le faire en notre nom.

Il s’avère nécessaire de préciser que dans cette démarche, ne s’agit pas de repli identitaire, qui ne peut conduire qu’au déclin, mais plutôt à établir une base pour faciliter un rééquilibrage de l’histoire biaisée qui nous est servi à la pelle, et favoriser un échange équitable sans dominés et dominants.

Vous avez votre privilège, nous avons notre fierté. Ôtez votre genou de notre passé, de notre présent, de notre futur ou ne le ferons par tous les « moyens nécessaires » car comme vous, nous avons le droit de respirer.

Repose en paix George Floyd tu as vécu utile.

Nation nègres et cultures, bible de l’histoire africaine.

Cheikh Anta Diop

Le livre « Nation nègres et cultures », est le fruit de recherches phénoménales, menées par Cheikh Anta Diop, afin de restaurer l’histoire de l’Afrique noire longtemps occultée.

À cette époque, le racisme scientifique, porté par d’éminentes figures, était enraciné dans la société occidentale, et avait attribué au blanc l’être cartésien par excellence, la paternité de toutes les civilisations, et défini le noir, comme un être primitif, émotif, incapable de la moindre logique.

Les Égyptiens de l’antiquité étaient noirs

C’est dans ce torrent de certitudes racistes, que Cheikh Anta Diop, jeune homme de 27 ans, va prendre l’idéologie dominante à contre-pied, en affirmant que les Égyptiens de l’antiquité, précurseurs de la civilisation et des sciences étaient des noirs. Il ne fait pas que l’affirmer, il le prouve.

Cette thèse fit l’effet d’un séisme, et comme elle dérangeait, il fallait le faire taire.

On ne peut cacher le soleil avec la main dit le proverbe africain. Même si l’université de la Sorbonne rejette sa thèse en 1951, Présence africaine éditera le livre en 1954.

Nonobstant les preuves qui ne manquent pas dans son livre, des scientifiques pétris de préjugés essaieront par tous les moyens, de jeter le discrédit sur son travail.

Jugées trop révolutionnaires, certains intellectuels africains avaient du mal à adhérer aux idées véhiculées dans le livre. Aimé Césaire fut l’un des rares à le soutenir. Dans « discours contre le colonialisme », il qualifiera le livre de Cheick Anta Diop de « livre le plus audacieux qu’un nègre n’ait jamais écrit »

Il a fallu attendre le colloque de l’Unesco en 1974, pour que la plus grande partie de ses thèses soient finalement reconnus « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine » telles furent les conclusions de ce sommet.

Les preuves de la négritude de l’Egypte antique

Statue en grès du pharaon Montouhotep II (environ 2055-2004 avant JC), provenant de Deir elBahari, situé sur la rive gauche du Nil face à Louxor. Elle est exposée au Musée national égyptien au Caire.  (AFP – Luisa Ricciarini/Leemage)

Le combat fut de longue haleine, et pourtant, bien avant lui, la paternité de la civilisation Égyptienne avait été attribué à la race noire.

 Dans les témoignages de savants grecs comme Hérodote, Aristote, qui avait été des témoins oculaires, la peau noire et les cheveux crépus des Égyptiens étaient mentionnés.

Aristote disait d’eux qu’ils étaient « agan malane », pour décrire leur peau ce qui signifiait excessivement noir.

Au 18e s, le comte de Volney, historien français, devant les évidences accablantes, tira les mêmes conclusions :

 « Les Coptes sont donc proprement les représentants des Egyptiens et il est un fait singulier qui rend cette acception encore plus probable. En considérant le visage de beaucoup d’individus de cette race, je lui ai trouvé un caractère particulier qui a fixé mon attention : tous ont un ton de peau jaunâtre et fumeux, qui n’est ni grec, ni arabe ; tous ont le visage bouffi, l’oeil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, une vraie figure de Mulâtre.  

J’étais tenté de l’attribuer au climat, lorsqu’ayant visité le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée de nègre dans tous ses traits, je me rappelais ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit “Pour moi, j’estime que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus”, c’est à dire que les anciens Egyptiens étaient de vrais nègres de l’espèce de tous les naturels de l’Afrique.»

Une des autres preuves irréfutables du caractère nègre des anciens Égyptiens, étaient la couleur de leurs dieux. Osiris et Thot pour ne citer qu’eux étaient noirs.

Les représentations foncées des pharaons et les coiffures qu’ils arboraient, étayent aussi la négritude de l’Égypte antique. ( voir les représentations de  MENTOUHOTEP 1er et NÉFERTARI)

L’analogie va au-delà des traits physiques et capillaires.

Des valeurs propres à l’Égypte antique, comme le totémisme sont encore présentes en Afrique noire,

Une étude comparée linguistique, souligne des similitudes entre l’Égyptien et les langues africaines comme le Valaf et le Serere(liste non exhaustive).

  Au vue de ces arguments, la conclusion est sans appel : L’invention de l’écriture, des sciences nous la devons à des noirs. La culture grecque qui a inspiré la culture romaine, tire ses sources de l’Afrique nègre. « Pythagore est resté en Egypte pendant 22 ans, de 558 à 536 av. J-C. Platon y est resté de 399 à 387 av. J.-C… C’est par conséquent là-bas, aux pieds des prêtres Égyptiens, qu’ils ont puisé le savoir qui a fait leur gloire. L’Egypte pharaonique qui a été leur institutrice pendant si longtemps fait partie du patrimoine du Monde Noir. Elle est elle-même fille de l’Ethiopie. Et « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine ».

Donner à l’homme noir la place qui lui revient dans l’histoire de l’humanité

Le fait que ce pan de l’histoire de l’humanité, ait été balaye du revers de la main, était lié au besoin de justifier la colonisation. On invente alors le nègre barbare, à qui on apporte la culture.

Cette propagande avait du mal à accepter que la société africaine était structurée et avancée, avant l’arrivée des colons. Que l’émancipation des femmes n’était pas un problème. La société africaine étant matriarcale, les femmes occupaient des postes de responsabilité, bien avant que ce fut le cas en Europe.

Le but de Cheikh Anta Diop en restituant cette vérité, était de redonner au continent oublié ses lettres de noblesse. Il ne s’agissait pas d’éveiller des relents sous-jacents de complexe de supériorité, pouvant déboucher sur des formes nazisme.

[…] la civilisation dont il [le Nègre] se réclame eût pu être créée par n’importe quelle autre race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture].

Loin d’être un raciste comme voulait le décrire ses détracteurs, Cheikh Anta Diop était un grand humaniste, qui a été reconnu comme tel.

Son travail a consisté à combattre le racisme scientifique, et à prouver que l’intelligence n’est nullement liée à la couleur de peau. Il a remis en cause la conception de la race dominante, ce qu’on peut considérer comme un apport non négligeable à l’histoire de l’humanité.

L’héritage de Cheikh Anta Diop 

Des années plus tard, comment contribuons-nous à la propagation de l’héritage colossal de Cheick Anta Diop ?

Il prônait une Afrique unie, rassemblée, après s’être forgée une identité forte qui servirait de fondation solide. Où en sommes-nous avec le panafricanisme ?Avec l’adaptation de nos langues aux réalités et aux sciences comme il en a fait l’expérience avec le Valaf dans le livre ? Avec la décolonisation des mentalités ?

Force est de constater ,que ces sujets restent d’actualité.

La tâche qui nous incombe aujourd’hui, est de contribuer TOUS à l’émergence de notre continent, qui sera d’abord culturelle.

Dans le domaine scolaire, nous devons implémenter des manuels adapter à nos réalités.

 Adaptons nos langues aux réalités modernes. Il ne s’agit pas de bannir les langues coloniales acquises, mais revaloriser les nôtres et les adapter aux sciences modernes.

C’est les pieds solidement ancrés dans ses racines, libre de toute aliénation, détachée du joug du colonial, et de l’aliénation du colonisé, que l’Afrique connaitra sa vraie valeur, et qu’elle pourra prendre sa place sur l’échiquier mondial.

Cette refondation qui ne doit pas se faire dans une démarche belliqueuse, engendrera des africains fiers de leurs origines, qui prendront leur destinée en main.