Mugabe, la mort d’un héros africain

Portrait de Mugabe sur un mur quelque part au Zimbabwe Credit: AP: Tsvangirayi Mukwazhi

Robert Mugabe est mort à l’âge de 95 ans, le 6 septembre 2019.Après l’annonce de sa mort, mon réflexe instinctif fut de taper son nom, dans le moteur de recherche Google.

À ma grande tristesse, je vis, que son nom était associé, au mot dictature de façon consistante.

Des articles européens, le comparait même de façon subtile, à Hitler.

Pour être honnête, l’angle emprunté par eux, ne me surprenait guère.

Sur les réseaux sociaux, j’ai vu des journalistes, des africains, salir sa mémoire, ou célébrer sa mort.

Des années en arrière, j’aurais pu me joindre à ces célébrations, mais depuis peu, j’ai pris un autre chemin m’ayant conduit à remettre en cause mes points de vue, qui étaient à mon insu, basés, sur ce que les médias voulaient que je pense.

Quelques années plus tôt, Mugabe était pour moi la réincarnation du diable, car le seul portrait de lui, à moi accessible était, celui d’un dictateur sans scrupules, qui tuait son peuple.

La manipulation de l’opinion publique a été savamment orchestrée pour déformer son image. Par exemple, des photos de lui prises à des moments peu favorables étaient mises en exergue: On le voyait qui dormait lors de réunions importantes, faire des pitreries, ou tenir des propos sulfureux.

Vu à travers le prisme de l’occident, Mugabe était un dictateur fou, et, nous avons adopté cette description, sans émettre la moindre réserve.

Mais savions-nous réellement qui était Mugabe?

Mugabe, le symbole de l’Afrique au poing levé

Mugabe et Mandela
Credit: John Parkin/AP

Quand je me suis plongée dans l’histoire de Mugabe, grande fut ma surprise de découvrir, que son passé était des plus glorieux.

Mugabe s’est battu pour les droits des noirs au Zimbabwe ancienne Rhodésie.

A l’époque, en Rhodésie, la minorité blanche dirigeante, s’était assurée de la protection de ses privilèges, au détriment de la majorité noire.

Mugabe a fait plusieurs tours dans les geôles rhodésiennes pour avoir défendu son peuple. Sa plus longue période de détention fut de 11 ans.

Le rêve de la majorité blanche était de calquer leur modèle sur celui de l’Afrique du Sud. Mais c’était sans compter sur la résistance du peuple zimbabwéen.

Cette résistance farouche a conduit à l’indépendance du pays en 1980.

Mugabe a joué un rôle non négligeable dans l’acquisition de cette liberté fondamentale.

Ce passé reluisant est pourtant occulté et peu connu. Ses dernières années au pouvoir sont celles, qui eurent le plus d’écho, dans les médias, et furent amplifiées pour faire de lui une caricature grotesque.

Robert Mugabe ne mérite pas de prix nobel, pour ses dernières années au pouvoir, je vous le concède volontiers. Mais, s’est-il mis sans raison à manger « des blancs » au petit déjeuner? Saviez-vous, qu’à une époque, il était le chouchou des britanniques, et a même été décoré par la reine d’Angleterre en 1994?

A cette époque, il protégeait la minorité blanche en boutant les squatteurs, hors de leurs terres.

Qu’est ce qui a bien pu causer la fin de cette lune de miel?

La cause de la réjection de Mugabe par l’occident

Mugabe et la reine d’angleterre

Lors de son accès à la magistrature suprême du Zimbabwe, Mugabe a hérité d’un pays aux inégalités criantes, fruit de la colonisation britannique, officiellement dédiée à “aider les sociétés primitives africaines, à se transformer en états modernes, mais officieusement, à exproprier les locaux de leurs terres.

La conséquence de cette colonisation fut que la minorité blanche contrôlait toutes les ressources du pays.

Pour réduire cette injustice, Mugabe a mis en place une réforme agraire, soutenue financièrement par les Britanniques. Logique qu’ils contribuent à réparer le tort qu’ils ont causé. « Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »

En 1997, pour des raisons floues, Tony Blair décide, de mettre fin à l’aide britannique, mettant Mugabe dans une situation délicate, qui le força à prendre des décisions impopulaires.

À propos de ce rétropédalage de Tony Blair, Mugabe prononça les phrases suivantes: « Nous n’avons pas chassé les blancs, nous avons repris nos terres conformément à l’accord avec les Anglais. Selon celui-ci, les terres devaient être reprises aux fermiers et remises aux zimbabwéens. Cela s’est fait dans le cadre constitutionnel.

Si L’Angleterre de Blair refuse de fournir les compensations prévues, devrions nous croiser les bras et dire ”Oh Dieu tout puissant, je prie au nom du père, du fils et du saint esprit? “

Bon sang! Non! Blair, Blair, qui est-il? Juste le premier ministre de l’Angleterre. Je suis le président du Zimbabwe. Raison pour laquelle nous lui avons dit “d’accord, c’est ton argent, garde-le. Ce sont nos terres, nous les reprenons ”Juste équilibre. »

Entre Blair qui a rompu sa promesse, et Mugabe qui a pris acte et réagi en conséquence, à qui imputer les dérives de la réforme agraire?

Le FMI s’est aussi mis dans la danse en asphyxiant économiquement le Zimbabwe. L’Union Européenne, sous couvert de défense des droits de l’homme, appliqua des sanctions ciblées à son régime.

Qu’est ce qui justifie un tel acharnement? Comment était-il censé réagir face à ces attaques?

Ne nous y méprenons pas, il a gagné son étoile de dictateur parce qu’il a opposé une résistance. Il n’a pas tendu l’autre joue.

Dans une Afrique habituée à courbe l’échine, il n’eut pas peur d’élever la voix pour défendre les intérêts africains.

Il fut l’un des seuls présidents africains à défendre Kadhafi quand la Lybie fut attaquée par la France de Nicolas Sarkozy. On peut lui donner raison quand on voit que la Lybie est passée de fierté africaine à un no man’s land.

Défier l’occident, c’était signé son arrêt de mort.

De façon soudaine, il quitta la case des génies politiques, pour rejoindre celle des dictateurs.

La vérité est que, si on base l’opinion qu’on se fait d’une personne sur un segment de son histoire, nous serions surpris que même Jésus aurait pu être qualifié de violent si on ne se réfère qu’à l’épisode du temple.

Pour se faire un jugement précis, il faut prendre en compte la totalité des actions d’une personne.

Pourquoi nous, Africains, devrions célébrer la mémoire de Mugabe

Que l’occident diabolise Mugabe, c’est tout à fait compréhensible mais que des Africains se joignent à lui sans user de perspectives, c’est triste.

Bob Marley chantait : ” Pendant combien de temps tueront-ils nos prophètes. Alors que nous sommes juste à côté et que nous regardons ?”

Tuer, ce n’est pas juste l’élimination physique comme ce fut le cas pour Thomas Sankara ou Patrice Lumumba. Ternir la réputation peut aussi causer des dégâts considérables.

Aussi longtemps que nous baserons nos opinions, sur les classifications faites par les européens (motivées par leurs intérêts), nous participerons, au lynchage de nos dirigeants, et à la célébration des leurs.

« Tant que les lions n’auront pas d’historiens, l’histoire de la chasse sera toujours à la gloire du chasseur » disait le dicton africain.

Valery Giscard d’Estaing, dont la présidence fut ponctuée de nombreux scandales (l’affaire des diamants de Bokassa entre autres), est célébré en Afrique. En Côte d’ivoire, un boulevard porte son nom. On peut aussi trouver, des écoles, portant le nom de colons, dont nous ne savons pas grand-chose, mais qui furent reconnus comme hérosDans le dictionnaire Larousse, la définition de héros est la suivante : Celui qui se distingue par ses exploits ou un courage extraordinaire”.

À mes yeux, Robert Mugabe répond à ses critères. C’était un héros avec certes des zones d’ombre, mais il reste un héros africain qui s’est battu pour nos droits.Nous devons nous ”affranchir de l’esclavage mental ”et raconter nous-même notre histoire.

Repose en Paix Mugabe.

MUGABE, THE DEATH OF AN AFRICAN HERO

Portrait of Mugabe on a wall somewhere in Zimbabwe Credit: AP: Tsvangirayi Mukwazhi

Robert Mugabe has died at the age of 95 the sixth of September 2019.

After hearing this news, my instinctive reflex was to Google his name.

To my dismay, I found that his name is being associated with dictatorship and mainly that.

Some articles in European newspapers even compared him to Hitler.

To be honest, I did not expect less from them.

On social media, I have seen some journalists or fellow Africans sullying his memory or celebrating his death.

I could have been joining the celebration of Mugabe’s death, if I had not taken a different path that led me to question my biased views influenced by what the media wants me to think.

Some years ago, Mugabe was the reincarnation of the evil as the only portrait of him accessible to me was one of a racist dictator, killing his people.

They manipulated the public view through a well-orchestrated distortion of his image. For instance, we will see pictures of him in unfavorable moments:

Sleeping through important meetings, being in clownish poses or making sulfurous declarations.

They painted an image of Mugabe through a western lens as a dictator that lost his mind and we agreed to this illustration.

But do we know who Mugabe really is?

Mugabe of Africa with the clenged fist

Mugabe and Mandela Credit:John Parkin/AP

When I started reading the story of Mugabe, I was shocked to discover that he had a glorious past.

Mugabe fought for the rights of black people in Zimbabwe formerly Rhodesia.

During those years, in Rhodesia, the white minority ruling the country was ensuring the protection of their privileges, at the cost of the black majority.

Mugabe has been in prison several times for defending his people, the longest being for 11 years.

The dream of the white minority was to mimic the model of South Africa but they didn’t account for the fierce resistance of the Zimbabweans.

Their determination led to the independence of Zimbabwe in 1980.

Robert Mugabe played a great role in this achievement.

However, this glorious past is often unreported and unknown by many.

What is amplified and known is his last years of power that have been used and misformed to undermine his legacy.

Yes, the last years were not the most brilliant moments of Mugabe, I will readily concede that. But did he suddenly start “eating white people for breakfast for no reason? Did you know that he used to be the darling of British and was even was awarded an honorary knighthood by the Queen of England.in 1994.

At that time, he was protecting the white minority land and were hunting the squatters out their property.

What caused the honeymoon to end?

The cause of the rejection of Mugabe by the west

Mugabe and queen Elizabeth Credit: Anwar Hussein—Getty Images 1

Mugabe inherited a country with blatant inequities due to the British colonization that was officially dedicated to helping the “primitive African societies” to develop into modern world states. (source blogs.stockton.edu) But unofficially a legal way to expropriate the Africans from their properties.

The consequence of the colonization was, that the withe minority controlled the ressources of the entire country.

 In order to compensate this deficiency, Great Britain agreed to support the land reform in Zimbabwe, reform initiated by Mugabe after his election.”All was well, in the best of all worlds”

 In 1997, for unclear reasons, Tony Blair decided to stop supporting the process.The abrupt end of the contract, left president Mugabe in a delicate position and forced him to take” unpopular” decisions.

Here is what he (Mugabe) had to say about the back-pedaling of Tony Blair:

“We did not send away whites. We took away land in accordance with what the British and ourselves had agreed upon, Margaret Thatcher’s government. That commercial land reform programme, land shall be taken from the farmers and be given to the Zimbabweans. So, it was all constitutional.

“If Blair’s England was no longer willing to pay for the land, should we have just folded our hands and said, ‘Oh, Lord Almighty, I pray in the name of the father, the son and the Holy Ghost’?

“Goodness me, no! Blair, Blair, who was he? Just the prime minister of Britain. I’m president of Zimbabwe. So that is why we say ‘OK, it’s your money, keep it. It’s our land, we will take it.’ Balance.”

So, between Toni Blair who broke the promise to solve the problems created by Great Britain, and Mugabe who noticed and reacted accordingly who is to blame?

The IMF has also contributed to asphyxiate the economy of Zimbabwe and the European Union under the cover of human rights, applied targeted sanctions with the hope of bringing Mugabe on his knees.

Why all those attacks? How was he supposed to react?

Make no mistake, he won his “dictator’s star” because instead of turning the other cheek, he opposed resistance.

At various occasions, he spoke up for the interests of Africans without hesitations.

When the France of Sarkozy attacked Lybia, a war that brought the country from the economic pride of Africa to the no-man land we know today, he was the only African president to openly defend Gadhafi.

By refusing to bend backwards, he has signed his death warrant.

Overnight, he has left the category of political genius to join the club of dictators. An online campaign to reshape people’s perception was cleverly constructed.

The truth is, if we based the opinion of a person on a segment of history, we will be surprised that even Jesus could be labeled as violent, if we refer strictly to the episode of the cleansing of the temple.

In order to form an accurate opinion, one should consider the entire story and actions of an individual.

Why we, Africans,should celebrate Mugabe

That the westerners demonize Mugabe is understandable but that Africans follow their path without adding some perspective is unfortunate.

Bob Marley sang:“How long shall they kill our prophets, While we stand aside and look?” Killing does not necessarily mean physical elimination; like in the case of Thomas Sankara or Patrice Lumumba. Tarnish a reputation can also cause many damages.

As long as we base our opinions on the classifications of the western (made in their interests) of who is a dictator or not, who is approachable or not, we will participate in the lynching of our leaders and the celebration of theirs.

“Until the lions have their own historians, the history of the hunt will always glorify the hunter”

 Valery Giscard d’Estaing the former French president who had his presidency punctuated by various scandals, the Diamonds Affair of Bokassa being one them, is still celebrated in Africa. Cote d’Ivoire has a boulevard named after him.

We can still find schools in Africa with names of people we barely know about but who were considered heroes by the settlers.

In the Oxford dictionary, they define a hero as: “A person who is admired for their courage, outstanding achievements, or noble qualities”. In my eyes, Mugabe certainly met those requirements.

He was a hero, with dark sides for sure nevertheless, he remains an African hero who has spoken up for our rights and fought racial oppression.

We need to emancipate ourselves from “mental slavery” and tell our story.

Rest in power Mugabe.